Ensemble séparés

Dermot Bolger

Joëlle Losfeld

  • Conseillé par
    7 novembre 2016

    Nous sommes en 2007 dans une banlieue devenue très en vue de Dublin, Alice et Chris y habitent depuis longtemps dans une petite maison. Parce qu’Alice ne supporte plus d’y vivre, son mari tente d’acheter ailleurs mais les prix ne font que grimper car l’Irlande est à son tour gagnée par la frénésie spéculative de l’immobilier. Si Chris aime toujours sa femme, Alice s’est détachée de lui et s’est enfermée dans une bulle dépressive. Leur voisin Ronan propose à Chris de s’associer avec lui dans une affaire immobilière incluant les deux jardins mitoyens. Affaire qui selon lui permettrait à Chris de réaliser le rêve de sa femme et de sauver ainsi son couple.

    Trois personnages et des tempéraments différents. Chris très influençable et assez crédule, Alice assez froide voire dure envers son mari et qui voit dans un changement de lieu la possibilité de tourner une page sur un drame dont elle responsable. Et enfin Ronan manipulateur aux dents longues, peu scrupuleux et avide d’argent, divorcé et remarié à une femme philippine plus jeune que lui. Chris va accepter l’offre d’association immobilière de Ronan mais un ouvrier clandestin employé illégalement (comme tous les autres) meurt sur le chantier.
    S'étendant sur des tranches durant deux ans, la fièvre de l’argent dans cette Irlande contemporaine et ses conséquences sont très bien décrites tout comme les conditions des immigrants et des immigrés, l’introspection du couple, le poids ou la place de la famille. J'ai trouvé très intéressant le personnage d’Alice : sa complexité, ce qu’elle a vécu (elle qui aura tenté de s’installer au Canada, fille unique qui a beaucoup sacrifié pour ses parents) et comment à cinquante ans elle regarde l’avenir.
    L'auteur manie l’ironie, la causticité et n’est pas tendre avec ses personnages.
    Malgré deux bémols (la naïveté de Chris a eu tendance à m’agacer et quelques longueurs), ce roman dont la construction fait la part belle à la psychologie est prenant !

    "Alice gardait de ses parents l'image ineffaçable d'une femme et d'un homme qui se tenaient la main, stoïques - elle allongée et lui ainsi assis -, attendant la mort aussi tranquillement qu'ils auraient attendu le bus 46A pour aller au Gaiety voir Maureen Potter."